Jeanne Geneviève Fortunée Lormier-Lagrave naît le 25 mars 1776, sur l’île de Saint-Domingue, aujourd’hui partagée entre Haiti et la République dominicaine. Fille de notable, son père décide de l’envoyer à l’âge de onze ans en métropole, afin de parfaire son éducation mais surtout, pour lui trouver un mari.
Après son arrivée à Bordeaux, par bateau, en 1788, elle s’installe finalement à Paris deux ans plus tard, dans le contexte tumultueux de la Révolution française. La jeune fille a du mal à s’adapter au pensionnat religieux dans lequel elle apprend les us et coutumes de la société aristocratique. Elle qui s’épanouissait sous les tropiques des Antilles françaises ne supporte pas cette vie calme et cloîtrée.
En 1792, elle voit dans son mariage avec Romain Hamelin, l’opportunité pour elle de retrouver sa liberté et son indépendance d’antan. La même année, le jeune couple investit l’hôtel de Bourrienne, un hôtel particulier acquis par le père de Madame, devenue Hamelin. Cet emménagement, qui coïncide avec la fin de la Terreur, va marquer un tournant dans la vie de la jeune femme. Fortunée décide de créer son propre salon littéraire, avec succès. Rapidement, les réceptions de la jeune créole attirent l’élite parisienne : artistes, politiques, notables... tout le monde souhaite y être vu. La jeune femme y rencontrera notamment Joséphine de Beauharnais, avec qui elle se liera d’amitié. Les deux amies appartiendront notamment au club très fermé des Merveilleuses, un groupe « d’influenceuses » post-révolution française.
Son charisme va rapidement faire de Fortunée une personnalité phare de son époque. Les femmes imitent ses coiffures et ses tenues vestimentaire. C’est par exemple elle qui va contribuer à lancer la mode de la chemise, dont le port à l’extérieur était jusqu’alors réservé aux hommes. Provocatrice assumée, Fortunée défraye la chronique lorsque, sur les Champs-Elysées, elle exhibe son corps, simplement vêtue d’un simple chiffon de gaze couleur chair, fendu jusqu’aux hanches. Ce scandale est un exemple parmi tant d’autres de l’impertinence de celle qui sera la maîtresse de l’illustre Chateaubriand.
Très engagée en politique, cette « Merveilleuse » notoire soutiedra avec ferveur Napoléon. Membre secrète de la police politique, elle est contrainte de s’exiler à Bruxelles lors de l’arrivée de Louis XVIII sur le trône de France, en 1815.
Elle finit néanmoins par revenir à Paris en épousant en apparence, la cause royaliste. Au-delà d’organiser de somptueuses réceptions, elle se liera d’amitié avec de grands écrivains français tels qu’Honoré Balzac et Victor Hugo. Mais, ses problèmes financiers lui écorneront progressivement son éclat et son influence. Elle décède le 29 avril 1851 dans la capitale. Elle est enterrée au cimetière du père Lachaise, loin de sa terre natale des Antilles.